jeudi 22 mai 2014

Uyuni, l'expérience d'une vie




"Papa, papa ! il y a de la glace sur ma vitre ! "

Au petit matin il fait froid, très froid.

5 petits degrés dans le Camping car et en dessous de zéro à l'extérieur.

Nous avons passé malgré tout une bonne nuit avec les duvets et toutes les couches de vêtements.
Nous avons aussi calfeutré les velux avec de l'isolant et bien plaqué la porte avec un sandow.
Mais nous avons un autre problème grave ce matin : le nutella est trop dur pour être étalé sur les tartines !

Voici l'ambiance en ce matin du 14 mai 2014, dans la petite ville d'Uyuni, 20.000 habitants, 3670 mètres d'altitude. 
Il y règne une sensation de bout du monde, un peu comme à Ushuaia, assez touristique, mais isolée.
La ville a été un centre névralgique du commerce du nitrate puis de l'argent au XX ième siècle mais toute l'infrastructure ferroviaire liée à ces industries rouille à présent dans un véritable cimetière de trains. Après un paquebot échoué, un golf et un aéroport, nous poursuivons la série des bivouacs insolites, au milieu de locomotives rouillées !


Le principal attrait de la ville d'Uyuni est sa proximité avec le Salar du même nom.
Le salar est un immense lac de sel entouré de volcans, 11.500 kilomètres carrés, 180 kilomètres de diamètre, c'est le plus le plus grand désert de sel du monde et nous comptons bien y passer 3 jours !
Nous préparons bien notre expédition : plusieurs jours d'autonomie en essence, en nourriture et surtout en eau : 25 litres en bouteille, 70 litres pour les douches, plus 15 litres d'eau traitée à l'hydroclonazone en secours.
Pour protéger le Grand condor de la corrosion du sel, nous faisons projeter de l'huile sous le châssis et nous prévoyons un aérosol d'éther ("un arancador") à vaporiser sur le filtre à air, au cas ou le manque d'oxygène ou les basses températures ne permettent pas au moteur de démarrer.

Nous voulons monter sur le Salar au niveau de Colchani, mais un barrage de police nous arrête et veut nous effrayer :
"Quoi ? vous n'avez pas de guide ? Votre véhicule n'est pas 4x4 ? Non, je ne peux pas vous laisser passer".
Ambiance...
Après un bon quart d'heure de discussion, nous comprenons que le policier veut en fait obtenir ses 5 bols : il faudra toute une discussion en espagnol pour passer… sans payer !

Dès l'entrée sur le salar, nous trouvons un mémorial avec tous les drapeaux du monde, il ne manquait plus que celui de la Réunion !


Après les 30 kilomètres de ripio en tôle ondulée pour atteindre Colchani, les premiers mètres sur le salar sont un vrai bonheur, il est tout plat ! Nous sommes impressionnés par la lumière et par l'horizon blanc et infini.

En regardant cette vidéo, posez vous la question suivante : mais qui conduit le Grand Condor ?


En cette saison le salar est sec, mais il cache parfois des trous d'eau salée très dangereux car on ne les voit qu'au dernier moment, plusieurs véhicules se sont d'ailleurs déjà plantés dans ces "ojos de agua."
Mahé se prend pour un Inuit en Arctique et essaye d'y pêcher un poisson improbable. 



En fait, on roule sur une couche de sel endurcie sous laquelle se trouve l'eau du lac. L'évaporation à la fin de l'été a laissé des plaques en forme de pentagone qui crissent sous les roues.
Toute la question est de savoir de quelle épaisseur est formée cette couche de sel pour supporter nos 3 tonnes…




A l'approche des îles par exemple, la couche est plus fine et nous ne nous approchons pas à moins de 100 mètres des côtes.

Nous traçons tout droit vers l'île d'Incahuasi au centre de l'immensité blanche, selon le cap donné par le GPS car au début on ne la voit pas à l'horizon.

Comme il est déjà midi, nous nous arrêtons au milieu du rien pour déjeuner.



Nous sortons la tonnelle, la table et les chaises de pique nique sous un soleil rayonnant.
Allumer le feu à cette altitude sans oxygène est un défi à la hauteur de nos compétences acquises depuis 5 mois.
Pour le poulet au barbecue, nous ne manquons pas de sel (ha ha ha) !


Après le repas nous nous amusons énormément avec l'appareil photo et la caméra.
Pour tous ceux qui avaient aimé nos photos miniatures au cratère Navidad dans le sud chilien, en voici une nouvelle collection sur fond blanc !


Le soleil tape trop fort et nous avons tous des hallucinations de cannibales, comme lorsque le Capitaine Haddock voit en Tintin une bouteille de champagne. Renaud entrevoit même son pire cauchemar dans la fièvre de l'insolation !


Séverine et les enfants éprouvent un sentiment de liberté infinie en s'allongeant sur le sol ou en enfourchant le vélo, roulant droit devant eux.


Les enfants conduisent à tour de rôle, maniant le volant et les pédales s'il vous plait !
Pour le code de la route il faudra par contre repasser, pas moyen de s'entrainer !


L'île d'Incahuasi se détache enfin à l'horizon, mais son approche dure encore une éternité, comme en mer.
Comme en bateau, nous en faisons le tour pour juger du meilleur mouillage, et nous jetons l'ancre finalement dans la crique au nord, à l'abri du vent et face au soleil du matin pour dégeler le moteur le lendemain.
Nous nous précipitons dans la forêt de cactus géants, fascinés par la lumière de la fin d'après midi. 


Les enfants jouent avec des blocs de sel et trônent dans leur palais imaginaire.



Nous sommes très bien acclimatés à l'altitude depuis 15 jours sur l'altiplano et pouvons crapahuter sur l'île à souhait.



Nous restons dehors jusqu'à la nuit tombée et rejoignons notre refuge roulant lorsque le froid devient trop piquant.




La première nuit sur le salar est glaciale.

Nous avions laissé le thermomètre de Mahé dehors mais le mercure a explosé pendant la nuit, son minimum était fixé à -10 degrés ! 
Vers 4 heures du matin, les enfants frigorifiés viennent nous rejoindre dans le lit pour un co-dodo dans la capucine.

A l'intérieur du camping-car, le thermomètre de Delphée indique -1 degré au réveil. 
La condensation de notre respiration a créé une plaque de glace à l'intérieur de la capucine et une stalactite s'est formée sous le châssis du Grand Condor.
Les bouteilles d'eau de réserve situées dans la portière sont toutes gelées.
Pire que tout, en ouvrant le capot du moteur, Renaud s'aperçoit que le diesel est congelé !
Nous devons attendre au soleil quelques heures que les températures remontent afin de pouvoir démarrer. Heureusement le Grand condor est bien préparé au froid et le gaz propane fait merveille pour le chauffage au petit matin, le thé à la coca ou le boiler de la douche le soir.
Nous remercions chaleureusement la marque de ces appareils (Trumatic) qui ne nous auront jamais lâché, même dans les conditions extrêmes. 


Le deuxième jour nous allons nous ancrer à l'île Pescador, plus à l'ouest, plus haute, encore plus isolée.


Nous en profitons du lever au coucher du soleil, pédalant vers une ile sans nom plus au nord, inondant nos yeux de cette lumière extraordinaire, et marchant à la recherche des Viscaches, sorte de petit lapin andin qui vit entre les cactus.




Monter au sommet de l'île Pescador et admirer sur 360 degrés tous les volcans bordant le salar est un aboutissement, un autre bout du monde.

La nuit, nous sortons admirer la voute étoilée et le lever de la pleine lune, habillés comme sur des pistes de ski !

Les constellations du scorpion ou de la croix du sud nous semblent étrangement familières dans cet environnement si dépaysant.
Aucun vent, le silence est total, nous sommes les seuls à faire des crissements en marchant sur le sel dans cette immensité cerclée d'un horizon blanc, de jour comme de nuit.


Nous avons entrepris ce long voyage pour vivre des moments comme ceux là et nous sommes comblés au delà de nos espérances.
Cet isolement nous soude tous les 4, nous sommes tellement fiers d'y être arrivés en famille.


A partir de maintenant, comme le dit si bien notre amie Anne, rien ne pourra nous enlever ce qu'on aura vécu.
Nous avons trouvé sur ce continent immense des sites magnifiques, mais le Salar d'Uyuni se démarque sans conteste car il est surement le plus esthétique et le plus poétique de tous.

Uyuni, véritablement l'expérience d'une vie.

6 commentaires:

  1. C'est déjà pris, mais il faut le redire : ce voyage ne manque décidément pas de sel (si la réserve de Nutella, elle, semble s'épuiser à nouveau). Ce "Viscaches", cependant, est bien étrange – un vice caché ? ou une vis cassée ? – je vais me renseigner un peu à son sujet... En tout cas, à la broche, ça doit être comestible et avec un petit goût d'écureuil ! Vous avez essayé ? Non ? Ah, bon... Bizatous !

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  2. Que de sel! Que de sel! comme aurait dit Mac-Mahon! ;)
    Joli, le dessin de Delphée sur l'île aux cactus, avec le minuscule Grand Condor perdu dans l'immensité blanche!
    Mahé au volant de l'énorme G.C., on n'y croit pas! Bravo!
    Photos gag: qualité professionnelle! J'adore celle où Renaud passe à la casserole! ;)

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  3. très belles photos, c'est magnifique et surtout il n'y a que vous!!! Qui a toutes ces idées pour les photos miniatures? Gros bisous !

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  4. Hello. Il me semble que je n'ai pas fait de commentaire sur votre envoi du 22 mai! C'est pourquoi j'ai tout relu.Vos écrits sont tellement
    riches en photos et lecture qu'il faut bien 2 ou 3 passages pour "enregistrer "surtout que ce ne sont pas des noms connus!!
    Bravo aux petits Bourjea d'être montés à 5400m d'altitude,grâce quand même à leur papa sportif ! 14/05/14 date facile à retenir
    . Notre Mahé qui aime "le frais" a du être content d'être dans ce froid .Une petite visite dans le lit des parents était une bonne idée.
    Quelle organisation avant la traversée du salar d'Uyuni et merci au GPS de vous montrer la route .
    Dans cette grande étendue blanche,vous êtes vraiment seuls au monde et si vous pensez que le sommet de l'île Pescador est le bout du monde je connais l'autre bout ( Nous y sommes allés ensemble en janvier 2013!! ).
    Je me demande qui est cette belle jeune fille,cheveux au vent,regard tourné vers un camping-car et un volcan ! je crois que c'est celle qui a
    fait le superbe dessin. BRAVO . J'ai reconnu léopard mais heureusement qu'il n'est pas aussi grand ! Ces photos sont originales et mar-
    -rantes. Il y a de la recherche et beaucoup d'imagination . Vous êtes des artistes !!!! biz et bonne route N@ni

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    1. Je suis ravi d'apprendre que mon petit neveu aime "le frais": c'est donc un goût que nous avons en commun, rare du côté des Bourjea, il faut bien le dire! ;))

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  5. , Belle sel-ection de photos avec le sel-èbre Nutella.
    Pas de sel-lulite pour les filles qui pédalent sans sel-le sous la voute sel-este.
    Bravo à Mahé qui conduit avec sel-érité!

    Biz de dadi Mar-sel; (Le mari de Sel'imène)

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