vendredi 14 mars 2014

Mutinerie au Fitz Roy


Le 2 mars nous poussons plus au nord par la Ruta 40 puis par la 23 jusqu'à El Chalten, "capital nacional del trekking argentino".
Depuis les émotions fortes du glacier, de la terre de feu et de la Patagonie, nous ressentons tous un passage à vide lors de cette étape.
Pourtant les paysages sont sublimes, mais après plus de 2 mois de voyage et de vie commune 24H sur 24H, une lassitude nous prend !
Séverine en a marre de cette promiscuité et a besoin de sa bulle !
Les enfants, dans une mutinerie contre le capitaine menée par Delphée, décident de ne plus vouloir manger avec les parents et rêvent de se construire une cabane dans les rochers. Ils bourrent leurs sacs de provisions, de peluches et d'équipement de survie et nous demandent de les laisser tranquilles !
Quant à Renaud, énervé par les pistes de cailloux toutes en tôle ondulée et en nids de poule, il décide unilatéralement de faire son trekking seul, en montagne.

L'article du blog en commun s'arrête donc là, chacun racontera son histoire à la première personne, voilà !

Séverine :
ENFIN seule ! La vie de famille dans un endroit si confiné commence à être pesante : aucune intimité, aucune vie privée, ras-le-bol !!! Je n'ai pas trop envie de faire cette marche, mais il fait beau alors je suis le mouvement en trainant des pieds... Le village El Chalten est peuplé de randonneurs bohèmes, européens pour la plupart. Ils ont tous de gros sacs à dos, un bâton de pèlerin et l'air extatique.



Ce sont des hippies passionnés de trekking, je ne me sens pas du tout dans mon élément ! 
J'ai bien l'intention de laisser filer la petite famille et de rester toute seule quelques heures. 
Les enfants ont eu la géniale idée de se préparer un baluchon, je serai donc libérée de la corvée des sandwichs (marre de jouer à la mère nourricière tous les jours !).
Je les laisse vivre leur aventure dans leur cabane pendant que Reno se prend pour Kilian Jornet en tee-shirt fluo jaune. 
Il part à l'assaut des montagnes sans nourriture, sans casquette et sans bouteille d'eau, quelle inconscience ! 

Tant pis pour lui, je suis ENFIN esseulée, seule et solitaire, une forteresse de solitude au pied du Fitz Roy ! Je me suis trouvée une aire engazonnée où m'étendre et je grignote en égoïste le paquet entier de biscuits salés aux céréales dont je raffole. Le soleil me chauffe doucement et le clapotis de la rivière me berce. Un verre de rosé glacé et ce serait le paradis ! Après un regard furtif en direction de mes ouailles pour vérifier que leur cabane ne leur tombe pas sur la tête,  je m'assoupis de longues minutes… 
Au réveil de ma sieste, je suis toujours seule. Parfait ! J'ai ENFIN le temps de m'épiler les jambes et il y a du boulot ! Je me lance à l'assaut de mes mollets hirsutes comme un jardinier défricherait son champ. Mais en levant un instant les yeux, je suis aussitôt éblouie par la beauté de cette montagne. Mince alors, c'est quand même sacrément beau ! J'aperçois alors un petit point jaune flou qui descend le chemin à toute vitesse : c'est mon Reno ! Vite, je vais chercher les enfants : " Venez voir, Papa arrive ! "

Delphée et Mahé :
Enfin on peut partir à l'aventure ! 
Plus de parents sur le dos, ni de "fait pas ci, fait pas ça" qui commençait à nous ennuyer !

On partage équitablement nos affaires de survie entre 2 sacs qu'on porte sur le dos pendant toute la marche. Une fois que les parents sont partis, on installe notre campement à l'abri du vent sur des rochers plats. Dommage que personne de nous deux n'ait pensé à amener l' Ipad ! On a tout prévu pour le pique-nique : les petits bols et les couverts, une tomate, des sandwichs avec de la salade et du fromage, deux pommes bien rouges et des chips. Pas de chance, Mahé a pensé au cahier de dessin mais pas aux feutres !


Plus de travail du CNED, on ne dépend de personne et on peut enfin faire nos sandwichs tout seuls.
On fait même la vaisselle dans la rivière et là on voit un gars qui se baigne (l'eau est super froide, on ne sait pas comment il fait). On joue beaucoup dans le nature mais au bout de 2 heures, on est bien contents de voir revenir papa et maman !

Renaud :
Moi, je ne veux plus m'occuper du bricolage, de la vaisselle ou de la conduite. 
Ne plus être responsable de la sécurité du groupe, du meilleur trajet ou de la bonne maintenance du blog. 
Je veux être libre et seul avec la beauté de la cordillère.
Alors je réalise mon reve de m'approcher au plus près du mythique Fitz Roy, 3405 mètres, en atteignant le pied du glacier.
Après, seuls les alpinistes (ici on dit les andinistes) peuvent poursuivre.


J'y accède par le sentier du lago de los Tres, 24 km aller retour, en moins de 6 heures s'il vous plait, pas mal pour un mec de 42 ans, avec une dernier raidillon de 400 m d'un trait avant d'arriver au glacier.
Je n'emporte que la caméra et une polaire, m'approvisionnant en eau le long des torrents.
Léger, ne pas s'encombrer, aller vite.



Les Argentins ont eu l'élégance de nommer les plus hauts sommets de la Patagonie du sud avec les noms d'illustres explorateurs, souvent européens. 

Fitz Roy est le nom du Capitaine du Beagle, qui a guidé Darwin lors de la remontée du Rio Santa Cruz pour explorer ces zones inconnues alors. 

Les autres aiguilles portent des noms de Français comme l'alpiniste Poinceneau, les aviateurs Mermoz, Guillaumet ou Saint Exupéry.

Grâce aux conseils de Eugenio, notre couch à Comodoro, je contourne le lac par la gauche et m'avance jusqu'à la cascade qui tombe en contrebas dévoilant le lac Sucia et l'aiguille de Saint Expupéry, c'est merveilleux, je suis seul, j'hurle dans le vide et me sens en connexion totale avec ce qui m'entoure.

Voilà, c'est fait, je suis rassasié, je vois au fond de la vallée la rivière ou j'ai laissé ma chérie et mes enfants : ils me manquent ! Vite courrons les rejoindre !

Comme quoi un peu de solitude fait du bien !
Nous voilà ressoudés pour repartir en famille sur la route...

9 commentaires:

  1. Superbe Fitzroy (qui m'a toujours fait rêver)! Et bravo pour l'article qui se pimente des trois points de vue, avec cette (pseudo) brouille passagère ;)

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  2. C'est DARK toutes cette ambiance yoloswagg !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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  3. Super! A la prochaine mutinerie, retour à La Réunion! Nous préparons une chambre, au cas où...
    Les grands parents impatients...

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  4. Ouf ! Bravo pour ce laisser-aller. Vivre à 4 dans un si petit espace et si longtemps, il fallait bien que ça craque....
    Bravo à Reno pour ses 6 heures de marche et son cri de libération. Bravo aux enfants d'avoir pris "la poudre d'escampette" pour un
    pique-nique sans les parents. Bravo à la maman pour s'être goinfrée du paquet de gâteaux sans en laisser pour ses chéris !!
    Vous avez parfaitement le droit d'en avoir " ras le bol " parfois . Ce qui est remarquable , c'est que cette crise a eu lieu au même mo-
    -ment pour tout le monde . Quelle famille soudée!! Je suis sùre qu'après ce mouvement de révolte, le retour des uns et des autres" sain
    et sauf" au bercail a été un moment de bonheur !!
    Merci de nous abreuver de spectacles magnifiques et de nous faire partager votre vie de famille !!
    Biz à vous 4 et bonne route n@ni


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  5. ça devait arriver un jour ou l'autre, cette mutinerie.... et ça arrivera encore! D'ailleurs pas besoin d'aller si loin, elle peut arriver ici aussi n'importe quand... Séverine, tu as donc failli ressembler à Chubaka (demande à tes ouailles qui c'est!), c'est du jamais vu !!! Delphée, Mahé, la prochaine fois envoyez nous des photos de votre cabane et de petit loup demande Jean....Bisous à tous

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  6. Hello. Je ne sais pas pourquoi,mais je n'avais pas lu le programme de début mars!! ( quelques jours m'avaient échappé) . Et pourtant que c'est bien écrit tout ça!
    Les explications sont claires et intéressantes, l'écriture est parfaite , le style naturel mais recherché . Vous devriez éditer des guides de voyage....
    Quand vous parlez des steppes arides de Patagonie avec des vents d'ouest , la solitude ,l'immensité de l'horizon et que je vois vos chaudes tenues vestimentaires,
    je peux vous dire qu'il n'est nul besoin d'aller si loin pour trouver tout ça. Nous avons exactement ce spectacle à 4 km de "tit case zoreils" . L'endroit pas très connu
    s'appelle " le bout du monde ". Vous connaissez et pouvez juger des ressemblances! biz et bonne route mais pas de tôle ondulée... n@ni


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  7. On adore vous lire, vos articles sont supers et nous rappelle beaucoup de bons moments! Les grands parents viennent d'arriver, on va peut être enfin pouvoir se mettre en gréve nous aussi....
    Bisous à vous 4

    Famille Majulialie

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  8. Salut les amis,
    Votre article est absolument génial et décrit tellement bien les petits tracas de notre périple. J'aurais adoré faire la grimpette avec toi Renaud et j'en connais 2 qui auraient bien joué les Robinson dans la cabane avec Delphée et Mahé... heu, Séverine, je ne suis pas très calé en débroussaillage, mais j'imagine qu'Estelle te soutient !!!
    Allez, demain je me lance... Malia et Julie en mode "autonome", biberons et jeux de plage dans un sac à dos : direction la playa de vina del mar!!! Si j'ai bien compris, je recharge l'épilateur d'Estelle, je lui achète une bouteille de rosé au marché du coin... et je serai enfin libre !!! NOOOONNNN, je viens de sortir brutalement de mon rêve éveillé... les beaux-parents sont là !!! AAAAAHHHHHH
    Bon, blague à part, nous espérons vraiment, vraiment... qu'on se retrouvera sur la route.
    Grosses bises de nous 4 à vous 4.
    Cyril

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  9. Salut, je tombe sur ce post et cela me fait rire. Nous aussi on a pété un cable au même endroit. Après 2 mois de vent en Patagonie, trop de ripio, on est arrivés à El Chalten par un vent encore plus fort et un ciel chargé qui ne nous permettait même pas d'avoir une vue sur les montagnes. Mon homme a décrété 'aujourd'hui on va au bar à vin et ce sera no limit'. Ben oui parcequ'avec 2 enfants en bas age, on pouvait pas les laisser faire leur nourriture seuls et se balader seuls. Pour nous, cela a été une soirée picole en amoureux avec les 2 enfants en mode 'DVD no limit dans le camping car' On a tous apprécié et plusieurs fois réitéré par la suite. Mais les photos du Fitz Roy nous font rêver nous qui n'avons vu que du ciel gris et de la pluie. Pas trop dur le retour?
    lnbouvier.wordpress.com

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