mercredi 4 juin 2014

Enfin la jungle !


Le dimanche 25 mai nous nous réveillons dans la forêt avec le doux chant des oiseaux amazoniens. C'est la fête des mères, Séverine a droit à de jolis cadeaux et à de gros câlins de la part de ses enfants. 


Nous en profitons pour visiter le parc Machia et nous rencontrons des monos aranas ou singes araignées, ainsi nommés car il sont tout noirs et leur longue queue fait office de cinquième membre. Le contact avec l'animal aux yeux si intelligents est captivant. Attention à ne pas confondre : le singe est en bas sur la photo.


En rejoignant Buena Vista par la Ruta 7, nous souhaitons dormir à l'hacienda de café ''El Cafetal". 
Mais les pluies des derniers jours ont provoqué d'énormes inondations et la piste est couverte de pozos boueux. Renaud doit emprunter une machette dans une habitation voisine pour élaguer un manguier dont les branches ne permettent pas au Grand Condor de passer.

Une fois arrivés à l'hacienda, nous pouvons enfin souffler. Rien de tel qu'un coucher de soleil sur la jungle et les collines du parc national Amboro pour nous remettre de nos émotions !


Le lendemain matin le 26 mai, nous visitons les plantations et on nous explique tout sur la culture, la sélection et la torréfaction des grains de café.  
Nous reprenons ensuite la route vers Santa Cruz de la Sierra. 
Nous cherchons à gagner un raccourci qui contourne la ville par le nord mais encore une fois, une énorme flaque nous barre la piste. 
Nous sommes obligés de faire demi-tour et perdons beaucoup de temps.


Le soir, épuisés par la longue route, nous décidons de bivouaquer sur le parking de l'aéroport de Santa Cruz, le Viru Viru. Comme à la Paz, nous avons sécurité, toilettes et WIFI : peu glamour mais pratique !

Le 27 mai, nous traversons d'ouest en est l'immense ville de Santa Cruz sans nous arrêter et suivons toujours la Ruta 4 en direction du Brésil.
A la pause déjeuner en bord de route, nous remarquons plusieurs charrettes et des personnes vêtues comme dans La Petite Maison dans la Prairie. Ce sont des Mennonites, des agriculteurs d'origine allemande qui se sont installés en Bolivie dans les années 1960. Ils vivent dans des colonies de part et d'autre de la route entre Santa Cruz et San José de Chiquitos. Les hommes sont reconnaissables à leur chemisette / salopette tandis que les femmes portent des robes sombres à manches longues et de jolis chapeaux de paille. Les colonies mennonites venues du Canada, du Mexique ou du Paraguay ont beaucoup contribué à la mise en valeur des terres agricoles de Santa Cruz en y plantant du soja et du blé mais leur refus d'intégration est de plus en plus décrié aujourd'hui.

Nous sommes intrigués par leur mode de vie et décidons d'aller à leur rencontre au culot, comme dans l'émission télévisée "J'irai dormir chez vous". 
Nous engageons le camping car dans un chemin de campagne indiquant la colonia Newland. Quelle chance, nous arrivons justement à la sortie de l'école ! Renaud sympathise rapidement avec l'instituteur qui finit par nous inviter chez lui. C'est gagné ! Nous suivons donc la charrette de Jacob et de son fils jusqu'à la petite ferme oû se trouvent sa femme et ses deux autres garçons. 


Nous avons beaucoup de chance d'être tolérés dans la colonie car les Mennonites sont généralement peu enclins à échanger avec l'extérieur. Certaines communautés de la région sont extrêmement conservatrices et refusent tout progrès (comme les Amish) mais la colonie de Newland semble plus progressiste. Comme le fait remarquer Delphée, ils possèdent une tondeuse à gazon et un panneau solaire.
Installés sur la terrasse devant un maté, nous écoutons Jacob nous expliquer quelques principes de leur culture. Nous apprenons que sa famille est originaire du Paraguay, ce qui explique sa consommation de maté. A l'école, les enfants apprennent essentiellement à lire, écrire et compter. Tous les cours se font dans un dialecte allemand et sont basés sur la Bible. Filles et garçons sont séparés en classe comme à la récréation. 
Jacob est enseignant depuis quelques années mais s'occupe également de l'exploitation de son champ et de ses dix vaches laitières. Sa femme est totalement effacée de notre conversation et sirote son maté en silence. Ses journées sont consacrées aux tâches ménagères, aux travaux agricoles, à ses enfants et à son mari. 
Heureusement, les trois garçons de la famille aident beaucoup à la ferme : ils passent la tondeuse, ratissent ou s'occupent des animaux. Jacob est bientôt mis en confiance et nous sommes tous invités à voir la traie des vaches et l'allaitement des veaux.

De son côté, Mahé parvient à entrer en contact avec les trois garçons et à faire de la bicyclette à trois roues! En plus de la barrière de la langue, c'est un choc culturel pour ces enfants qui nous observent à la dérobée. Mahé doit leur paraitre bien étrange avec son tee-shirt et ses cheveux longs. Encore une fois, le sourire est la meilleure forme de communication !


Lorsque nous montrons à Jacob et sa femme la carte de  notre trajet et surtout le globe terrestre pour lui indiquer l'île de la Réunion, nos hôtes ouvrent de grands yeux ahuris ! Nous ignorons s'ils mesurent alors la longueur de notre voyage ou s'ils découvrent la planète pour la première fois ! Jacob ne sait même pas placer la Bolivie sur le globe, difficile à croire pour un enseignant.
Le soir, après la visite respective du camping-car et de la ferme, nous dinons chacun de notre coté.
Nous respectons cette culture mennonite mais avons du mal à comprendre un tel cloisonnement. Nous qui avons entrepris ce voyage pour ouvrir Delphée et Mahé sur le monde extérieur, nous ressentons un léger malaise face à ces communautés qui ne permettent pas à leurs enfants d'apprendre l'Espagnol, de poursuivre des études classiques ni de connaitre d'autres contrées que cette campagne bolivienne. 

Nous reprenons la route le 28 mai toujours en direction de l'Est.
La Ruta 4 a été livrée en totalité il y a un peu plus d'un an et constitue le tout nouveau "Corredor bioceanico" qui relie la Bolivie et le Brésil.
Ce ruban de béton parfaitement lisse déroulé à travers la jungle, sans aucun trou, ni aucun camion, nous évite de faire un énorme détour par le sud.
Il nous permet de traverser des kilomètres de forêt et de rejoindre très confortablement le mythique village de San José de Chiquitos, reconnu pour sa très belle église jésuite.



Un "paro civico" immobilise la ville et la station service est théoriquement bloquée par le mouvement. 
Renaud discute avec le militaire en faction qui s'intéresse petit à petit à nous.
Le nouvel autocollant sur le Grand Condor réalise des miracles : le militaire visite le camping car, le prend en photo et on nous sert finalement du gasoil !

Dans l'après-midi, nous en profitons pour faire une randonnée au lieu dit "El Mirador". 
La vue sur la jungle est époustouflante !


Nous souhaitons dormir sur le terrain herbeux du magnifique l'hôtel Villa Chiquitania tenu par un couple de jeunes Français, Christelle et Jérôme, qui a fait un tour du monde de 3 ans en scooter
Les fortes pluies ont malheureusement détrempé le jardin et à peine nous y pénétrons que nous nous enfonçons rapidement jusqu'au châssis dans une poche d'eau sous le gazon ! 
Impossible de nous en sortir malgré l'aide de pelles, de planches et du 4x4 de Jérôme ! Ce n'est que le lendemain matin que les efforts porteront leurs fruits. 

Renaud est dégouté car il avait réussi à ne jamais planter le Grand Condor en 6 mois de voyage, même dans le ripio de Patagonie, dans les sables de l'Atacama ou dans le sel de Uyuni. Et c'est la verte pelouse d'un hôtel sécurisé qui a eu raison de toutes ses précautions ! 

Les enfants ne voient quasiment rien de cet enlisement fâcheux : ils s'éclatent sur la tyrolienne de l'aire de jeux ou barbotent dans la piscine. Ils font aussi la connaissance de Swan, la fille de Jérôme, avec qui Mahé partage de nombreux jeux et fous rires.


Le 29 mai, nous quittons San José de Chiquitos et poursuivons notre route vers le Brésil. 
Déjà, le soir tombe plus vite et les températures remontent : nous devons ranger les jeans et ouvrir toutes les fenêtres. Mais attention aux moustiques particulièrement nombreux et virulents en fin de journée !
Arrivés au village d'Aguas Calientes, nous allons nous détendre dans une eau thermale à 40 degrés.
C'est une expérience inoubliable de se baigner dans les puits de sable chaud, véritables SPA naturels. 
Tantôt nous nous enfonçons comme dans des sables mouvants et tantôt nous remontons avec les puissantes bulles d'eau thermales ! 


Le 30 mai nous atteignons enfin la frontière brésilienne à Puerto Suarez, le long du fleuve Paraguay, à 800 km de la cordilière des Andes. 
Nos sentiments sont au final partagés à propos de cette magnifique route :
D'un coté nous avons adoré son confort de conduite et nous n'aurions jamais pu effectuer ce parcours sur les pistes détrempées et boueuses de cette saison !
D'un autre coté nous savons que cela signifie à terme la fin de l'isolement et du charme incroyable de cette magnifique région encore si peu connue !

6 commentaires:

  1. Qu'il est beau ce petit Mahé, dans les bras de son père qui lui gratte doucement la tête ! (Je le trouve tout de même très bronzé, attention à lui mettre un chapeau) (eût dit Odette). Je ne me trompe pas ?, c'est bien lui, là sur la photo . Je n'ai pas mes lunettes, mais tout de même : c'est bien le même qui s'en va seul, d'un pas allègre, vers Porto – enfin je me comprends – vers la frontière brésilienne... Allez les Bleus !!!! Gnegnegnegné...

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  2. ça alors, on parle allemand dans la jungle d'Amérique du Sud ! Cela va plaire à Mathias.... quel contraste entre ces gens et vous, on se croirait dans le film "Witness" ! J'adore leurs petits garçons, en chemise et salopette.
    Bonne route, le Grand Condor va avaler ses derniers grands kilomètres !

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  3. "Witness" et les Amish, j'y ai pensé aussi! Autre référence cinématographique: celle des dernières images des premiers film de Chaplin: mais au lieu de la démarche un peu saccadée et hésitante de Charlot, c'est avec une belle assurance que Mahé semble avancer vers l'inconnu! Superbe!

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  4. "Halte aux cadences infernales!"
    Pour notre plaisir, les pages se succèdent à un bon rythme!
    Vous avez fait de jolies rencontres avec Ramiro, Arturo, le mennonites...Que de choses à nous raconter!

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  5. Aloha my friends !!!
    Cela ne fait que quelques jours que nous avons quitté le continent sud-américain, et pourtant en lisant votre blog j'ai l'impression que cela fait une éternité. Ceci dit, les souvenirs sont bien présents et le petit séjour auprès de la famille Mennonite nous rappelle les belles rencontres que nous avons faites là-bas. Des gens qui ne roulent pas sur l'or, mais qui en ont plein le cœur. Du coup, je vous laisse imaginer le choc que nous avons eu en atterrissant à Honolulu.
    Evidemment, il a fallu troquer le camping-car pour une location (un peu trop "immobile" à mon goût), l'espagnol pour l'anglais et l'anti-moustique par la crème solaire. Mais même si les montagnes sont magnifiques, l'océan pacifique immense et l'appartement gigantesque (à comparer avec le CC), nous nous sentons un peu à l'étroit ici... les grands espaces nous manquent.
    Malia nous a demandé si nous allions vous retrouver en Asie. Elle voulait raconter à Delphée et Mahé tout ce qu'elle avait fait avec sa petite sœur depuis le Macchu Pichu. Nous nous contenterons des blogs pour le moment, snif !!!
    Merci pour le message sur le blog, cela nous a fait vraiment plaisir.
    On vous embrasse.
    La famille Fournier

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  6. Hello. Merci pour ce nouveau blog.Ecrire vous permet de revivre et d'ancrer dans votre mémoire,tout ce que vous découvrez. Merci à Jacob de vous avoir reçus chez
    lui. La maman a l'allure de nos arrière-grands-mères ! Leurs 3 garçons sont adorables dans leur salopette. Ils n'ont peut-être pas osé vous inviter . Vous êtes telle-
    ment d'un autre monde,pour eux...Bravo à Renaud pour sa diplomatie et son sens du dialogue pour obtenir du gasoil !! Fin stratège,ce garçon !! Je comprends sa dé-
    -ception à la vue du Grand Condor enlisé . Merci à Séverine de nous préciser où étaient les monos aranas sur la photo. Au cas où...
    Biz et bonne route N@ni

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